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Page:Lemonnier - L'Hallali, sd.pdf/214

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manges plus ; la nuit, t’as le cauchemar. L’autre fois, tu as manqué m’étrangler ; tout ça n’est pas naturel.

Jean-Norbert remuait les épaules, hochant la tête et ne répondant pas. Cependant l’année s’annoncait bien ; à Pâques, le marchand de porcs avait passé. Il était assuré de vendre bon prix son foin. On comptait, en outre, sur une belle récolte de pommes. C’étaient là plutôt des sujets de contentement ; mais il pensait que tant que Monsieur vivrait, ni lui ni les siens ne connaîtraient la sécurité. Cette vie tenace du Vieux, bâtie à tenons et à mortaises, s’enfonçait comme une poutre en travers de la leur.

Un dimanche matin, après la messe, il s’attarda dans l’église : il avait acheté un cierge chez le sacristain ; il l’alluma devant la statue de saint Antoine ; et à deux genoux, touchant du front les dalles, il pria pour que son vœu fût exaucé. Il ne demandait pas la mort de Monsieur après tout, mais qu’un mal le clouât sur son lit jusqu’à l’heure des Sacrements. S’il lui arrivait de penser plus loin, aussitôt il faisait le signe de croix en se frappant le creux de l’estomac et marmottait un mea culpa. Il n’aimait pas regarder le vieux fusil à son clou dans le mur de la cuisine. Cependant, comme un soir il rentrait, il ne vit plus que le clou et tressaillit. Guilleminette lui dit