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Page:Lemonnier - L'Hallali, sd.pdf/256

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comme il la laissait faire, riant sous les coups, elle s’assit sur l’arbre et se mit à pleurer, les poings dans les yeux. Alors il s’en alla : lui aussi la détestait maintenant, sans savoir pourquoi. Elle l’entendit chanter à tue-tête de l’autre côté du bois et, très tranquille elle-même, elle riait, comme si elle lui avait joué un bon tour, elle n’aurait pu dire quoi.

Quelque part, très loin, tinta la clarine de la vache : c’était une bête un peu folle ; une fois, elle avait failli s’envaser dans le marais : on avait eu de la peine à la retirer. Jaja, à ce souvenir, prit peur et, ses sabots dans les mains, elle courait devant elle, poussant le cri guttural des petits vachers et l’appelant par son nom :

— Hi-ô, Bellotte ! Hi-ô, Bellotte !

Elle ne pensait plus au fils à Biatour.

Ses pieds nus battaient le sol, faisant monter l’arome des mélilots et du serpolet. Elle finit par apercevoir la vache qui broutait dans les roseaux, en se défendant d’un battement de queue contre les grosses mouches grises. Elle la caressa ; elle éprouvait le besoin de lui dire des choses tendres ; et à présent quelque chose lui passait, elle n’était plus la même : elle se laissa tomber sur le ventre, prise d’une peine lâche et crispée, se rappelant. Il était venu, l’avait jetée à terre et puis elle avait senti un mal très doux.