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Page:Lemonnier - L'Hallali, sd.pdf/301

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l’hallali

la nuit fut mauvaise ; tout le monde veilla. Jean-Norbert priait à genoux, dans un coin. Maintenant que le dénouement était proche, il aurait donné une livre de sa chair pour que la vie lui fût assurée un peu de temps encore, une petite vie de vieux homme un peu mort, tombé en enfance et qui ne leur serait plus trop grief. On aurait du moins le temps de se remuer.

Les râles durèrent jusqu’au matin ; il crut la mort prochaine et mourut lui-même de l’effroi de l’horrible lendemain. Mais vers midi, le baron eut l’air de s’éveiller d’un mauvais somme et les voyant là près de lui, il les chassa d’un geste. Jean-Norbert regretta d’avoir laissé venir le médecin.

Comme celui-ci arrivait, il l’injuria :

— C’est-y que vous ne connaissez pas vot’ métier ed’me laisser croire que Môssieu n’avait qu’l’âme à passer ? Dites, c’est-y pas filouter l’argent du pauv’ monde puisqu’y se serait tô d’même remis debout sans toi, médecin de malheur !

La sève encore une fois remonta à l’écorce du vieux cep : le baron passa ses grègues et se remit à talonner par les chambres, aboyant une grosse toux et envoyant gluer sur le mur d’épais crachats.

Un soir, sans leur avoir rien dit, il descendit s’asseoir à leur table, dans la cuisine où ils