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Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/115

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le pan pan d’un savetier qui clouait ses semelles et chantait à tue-tête, montrant seulement au bord de la lucarne d’en face, le dessus de sa tête frisée.

Et à midi, de petites vieilles à chignons gris se penchaient par dessus les gouttières et y versaient l’eau grasse des casseroles, en ayant soin de tenir celles-ci par les anses, à deux mains.

C’étaient toujours aux mêmes heures les mêmes figures : il y avait encore un vieux petit marchand de parapluies qu’on voyait le matin, dès qu’il faisait clair, arroser sur le bord du toit des pots de réséda ; et un marchand d’oiseaux donnait de la graine de chènevis à ses serins, raclait le plancher de ses cages avec un couteau, remplissait d’eau claire les godets et sifflait, la figure collée aux barreaux, regardant voler les longues petites bêtes et leur apprenant des airs.

Puis le soir, des chats maigres se promenaient dans les chéneaux en miaulant et considérant d’en haut les longs pans de murs bruns, au bas desquels il y avait des cours grandes comme la main, avec des reflets de lumière traînant dans l’eau des éviers.

Voilà le spectacle que M. Muller avait tous les jours devant les yeux, quand il ouvrait sa fenêtre. Et il s’amusait de voir aller et venir tout ce petit monde, en pensant, selon les heures :

— Que ferait bien à présent mon voisin le marchand de parapluies ? Il est descendu à la boutique d’à côté acheter son lait et son pain, et il va faire son café, car j’entends sa bouilloire qui siffle sur le feu. Et quand il aura pris son café, mangé ses petits pains et remis la jatte dans l’armoire, il ira voir ses pots de réséda, mettra son doigt dans la terre où plongent les racines pour savoir si elle est assez mouillée, puis passera