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Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/119

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L’élève montrait ses mains, et généralement il n’y avait rien dedans, parce que la boulette ou le hanneton avait passé aux mains du voisin. M. Muller regagnait sa chaire, l’œil en dessous ; mais au moment où il y remontait, il entendait tout à, coup le zouzou du hanneton qui s’envolait au plafond, ou bien il recevait sur la nuque la boulette de papier mâché. Il devenait alors très rouge, frappait sur les bancs et faisait des harangues furibondes, tandis que les élèves poussaient des hem ! hem ! ou des hu ! hu ! rugissaient, aboyaient, coqueriquaient, se mouchaient de toutes leurs forces et riaient derrière leurs mains, la tête penchée sur les cahiers, comme s’ils étaient tout à leur lecture.

Oh ! c’était une bonne classe que celle de M. Muller ! et les grands disaient aux petits :

— Tu as de la chance, toi ; tu vas faire une année de Muller. Nous allons entrer en première, nous autres, chez M. Jupin, qui est un homme sévère.

Et de son côté, M. Muller avait les larmes aux yeux quand il lui fallait quitter ses élèves au bout de l’année ; il leur disait :

— Vous êtes de fameux vauriens ; mais c’est égal, je vous aime tous bien. Tâchez de ne pas faire « endêver » trop M. Jupin.

Et voilà ce qui faisait la pluie et le beau temps dans la vie de M. Muller.

Mais tout était bien changé depuis la maladie de Jean, et il n’y avait plus de beau temps pour M. Muller. À présent, tous les jours, il arrivait en retard d’une demi-heure, ne grondait plus ses élèves, poussait des soupirs à fendre l’âme et, au milieu de la leçon, demeurait la tête dans les mains à se demander ce qu’il adviendrait de lui s’il perdait son petit Jean.

Un matin qu’il entrait, la tête basse, l’œil gros, dé-