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Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/123

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amis, croyez-le, mais mes amis sont bien en place, comme moi, et je ne me permets pas des amis pauvres. Non, monsieur, c’est un luxe que je ne me suis jamais permis.

— Monsieur le directeur, mon ami est resté six jours entre la vie et la mort, dit M. Muller chaleureusement.

— Eh ! monsieur, s’il fallait sauver tout le monde, on n’en aurait jamais fini ! Remarquez que je ne blâme pas les sentiments d’humanité ; mais je trouve étrange que vous ne sachiez pas les proportionner à vos ressources. Est-ce qu’il n’y a pas l’hôpital pour les pauvres gens ? On y est très bien, à l’hôpital.

— Monsieur le directeur, j’irais moi-même à l’hôpital plutôt que d’y envoyer un ami.

— Oh ! oh ! c’est de l’exaltation. Eh bien ! comme vous voudrez. Si je vous dis là-dessus mon sentiment, je n’ai d’autre mobile que votre intérêt. Quant aux deux cents francs, vous connaissez le règlement : il est formel. Je regrette de devoir répondre à votre demande par un refus catégorique.

— Au nom du malheur ! fit M. Muller suppliant.

Et il pensait en même temps quelque chose comme ceci :

— Est-ce que je vais être forcé de faire des bassesses, à présent ?

Mais M. le directeur Scherpmes pinça sa petite bouche mince, si extraordinairement qu’elle ne semblait plus jamais devoir s’ouvrir ; et cependant il dit à M. Muller qui avait de grosses gouttes de sueur au nez, derrière les oreilles et aux mains :

— Le malheur ! Le malheur ! Qu’est-ce que vous avez besoin de vous occuper de ce qui ne vous regarde pas ? Est-ce que le malheur des autres vous regarde, je vous prie ? — Écoutez, monsieur. Je vais vous ex-