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Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/131

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M. Lamy ne répondit pas, et madame Lamy se tut aussi, tous deux absorbés dans leurs idées.

Pourtant, au bout de quelques instants, M. Lamy reprit :

— Est-ce qu’il faudra que M. Muller paye l’église et le corbillard, Thérèse ?

— Oh pour ça non, Lamy ; ça ne se peut pas.

— Non, ça ne se peut pas. Il aura bien assez à payer sans payer encore le corbillard et l’église. C’est nous alors qui le payerons.

— Nous. Lamy ? Mais avec quoi ?

— Oui, avec quoi ? Voilà !

— Est-ce qu’il nous faudra vendre notre action qui nous a coûté tant d’économies ?

— Thérèse, ils ont du bonheur, ceux qui ont des actions et qui les voient, avec leurs grands chiffres noirs et leurs papiers roses, dans leurs tiroirs, sans devoir y toucher. Certainement ils ont du bonheur ! Mais ils ont du bonheur aussi, ceux-là qui se disent : « Si je vends une action à cause d’un ami qui en a besoin et pour une chose qui doit soulager cet ami dans sa misère, je fais bien, et il vaut encore mieux la vendre que de la laisser dormir dans le coin. » Voilà mon idée à moi, Thérèse.

— Bon, l’homme, c’est mon idée aussi. Mais comment la vendre ! On trompe souvent les gens comme nous. Si vous en parliez à M. Muller ?

— À M. Muller ? Non, Thérèse. Il devinerait bien vite pourquoi nous la vendons, et il voudrait tout payer lui-même. Oh ! je le connais !

Et M. Lamy ajouta :

— J’irai demain matin chez Jacques Bosschout, le typographe. C’est un malin, lui. Il sait voir dans les gazettes à combien ça va, les actions.