Aller au contenu

Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de lui, car il travaillait bien et à bon marché, et il n’y avait qu’une voix pour dire : c’est un habile homme que Claes Nikker.

Dès qu’on était entré dans le village, on voyait sa petite maison couleur de jambon fumé et on se disait tout de suite : « C’est là que demeure Nikker, » à cause des mesures en papier qui pendaient à une corde, derrière le carreau.

Et c’était là en effet. Claes était assis sur son tabouret, ses besicles au bout du nez, l’échine courbée, avec son long tablier à bavette contre ses maigres cuisses plates ; et un petit jour vert tombait par les étroits carreaux de vitre dans l’échoppe, si petite que Claes Nikker l’occupait tout entière. Il avait devant lui son établi, avec les tranchets, l’alène, le marteau et la pierre creuse pour battre le cuir, et dessus, il y avait encore pêle-mêle, des boules de chanvre noir et blanc, de la cire jaune, de la poix, de la colle de pâte et les soies de porc qui servent à passer les ligneuls par les trous que l’alène a percés. Et près de la fenêtre, pendaient à un crochet, parmi les mesures, de beaux morceaux de basane jaune et rouge, au-dessus des deux formes posées sur le coin de l’établi ; Claes en avait deux, en effet, ce qui est déjà un luxe à la campagne, et il s’en servait pour tous les pieds, ayant soin de mettre des rallonges en cuir pour les pieds plus grands que les formes.

Claes tenait toutes ces choses à portée de sa main : sous son tabouret, des cuirs de semelles trempaient dans une vieille casserole pleine d’eau. Et dans les coins des piles de souliers, de bottes, de brodequins et de bottines s’entassaient sens dessus dessous, avec des marques à la craie sur la semelle. Parfois il les regardait du coin de l’œil, sans tourner la tête, en se