Aller au contenu

Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/263

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la boutique, ce soir-là, pour acheter les cadeaux de Noël. Les ménagères passent en courant, la tête baissée sur la poitrine, les mains pelotonnées dans leur tablier, à cause de la bise qui rougit le nez et les doigts : et l’une tient dans les bras un cramique qui répand derrière elle une bonne odeur de pâte aux œufs, l’autre porte à son poignet un cabas d’où sortent des goulots de bouteilles. Des petits garçons et des petites filles passent aussi, chargés de provisions, et quelques-uns s’arrêtent pour ouvrir les paquets et prendre délicatement un bonbon, un morceau de sucre, un macaron.

De vieilles femmes, enveloppées de manteaux et le capuchon sur les yeux, sortent de l’église en marmottant entre leurs dents, qui claquent de froid, et il y en a qui tiennent à la main une chaufferette par les trous de laquelle le vent fait pétiller la braise.

Le petit musicien voit briller dans la noire église les hautes fenêtres en forme de trèfle ; la porte étant restée ouverte, un flot de lumière se répand sur le parvis, jusqu’à ses pieds, avec une tiède odeur d’encens. Il pénètre sous les voûtes jaunies par le reflet des cierges, et se dirige vers le poêle où se meurt un petit feu de houille. Il tend avidement ses mains et ses pieds vers la fonte brûlante : il passe ensuite ses mains sur ses jambes et sur ses bras pour les imprégner de la chaleur du poêle, et une douce action de grâces s’élève de son cœur pour remercier le Sauveur qui, aux approches de la grande nuit de Noël, lui donne du feu pour se réchauffer.

L’église est silencieuse : on n’entend dans les nefs muettes que le grincement des chaises sur les dalles bleues, le pas du sacristain dans le chœur, et le claquement des sabots, lorsque les vieilles femmes en man-