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Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/336

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Ce qui n’était pas vrai, Stéphane ; mais Clotilde avait le cœur et la tête ainsi faits qu’elle voyait tout en beau et en bien, et elle s’enflammait pour tout ce qui la touchait comme de la paille sur laquelle on a laissé tomber du feu. Et puis, qu’elle était câline ! Elle lui souriait, l’embrassait, lui faisait les yeux doux, prenait sa tête et ses bras et ses mains dans les siennes ou se roulait contre elle, entre ses genoux, en pleurant, en parlant, en lui murmurant des choses, je ne sais quoi. Je n’ai jamais vu cœur pareil et plus sur la main ; tout ce qu’elle pensait, le bon et le mauvais, elle le disait, sans rien pouvoir garder pour elle, vite, très vite, comme les premières pierres d’un tombereau qu’on déverse à terre et que poussent celles qui sont derrière. Lisbeth, au contraire, plus froide, moins expansive, la regardait souriant, l’écoutant, parlant peu, presque gênée par moment de la ressemblance qu’avaient avec l’amour les choses que lui disait Clotilde. Et quelquefois ses yeux se tournaient vers le plafond ou vers le feu, comme si elle eût rêvé à ce qui était si loin et perdu pour jamais.

» Et elle disait :

» — Pauvre Clotilde ! Pauvre sœur ! Pardonne-moi ! C’est à moi la faute.

» — Ne dis pas cela, non, ne le dis pas, répondait Clotilde. Tu n’as rien à voir dans les tristes choses de ma vie. Tu es un ange, toi. Tu pleures, tu pries, tu souffres aussi, mais tu n’appartiens pas à cette terre, vois-tu. Et puis, moi, je suis une folle. Une tête en l’air, tu sais bien comme on m’appelait en classe. Est-ce que tu te souviens ? On disait : cette tête fêlée, de Clotilde ! C’était moi. Ha ! on avait raison. Je ne suis pas autre chose. Mais qu’est-ce que ça me fait à moi que je sois une folle