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Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/65

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Et quand la foule se rend à l’offrande, il va prendre un cierge des mains de l’enfant de chœur et suit ceux qui font le tour des candélabres, grands comme des arbres, qui brûlent aux quatre coins du poêle.

Puis il s’agenouille dans un coin obscur, loin des hommes et des femmes qui sont venus pour honorer la mémoire du mort, et il mêle ces paroles à sa prière :

— Dieu, père des hommes, pardonnez-moi à mon tour. J’ai sauvé cet homme des eaux, mais le cœur m’a d’abord manqué quand j’ai vu que c’était le séducteur de ma Riekje, et j’ai senti le désir de la vengeance. Alors j’ai repoussé sous moi celui qui avait une mère et qu’il m’était réservé de rendre à sa mère : je l’ai repoussé d’abord avant de le sauver des eaux. Pardonnez-moi, Seigneur, et s’il faut que j’en sois puni, ne punissez que moi seul.

Il sort ensuite de l’église, et au fond de l’âme il pense :

— À présent il n’est plus personne sur la terre pour dire que l’enfant de Riekje n’est pas mon enfant.

— Hé ! Dolf, lui crient des voix sur le quai.

Il reconnaît ceux qui l’ont vu ramener à la rive Jacques Karnavash.

Ces rudes cœurs tremblaient pour lui comme des cœurs de femme : ils embrassaient ses genoux et lui disaient :

— Dolf, vous valez mieux que nous tous.

Il était tout à coup tombé sur le pavé, mais ils l’avaient porté près d’un grand feu, dans une cuisine d’auberge, lui avaient chauffé l’estomac avec du genièvre et l’avaient soigné jusqu’au moment où il s’était senti assez de force pour courir auprès de sa Riekje chérie.

— Dolf, lui crient-ils.