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Page:Lenotre - Georges Cadoudal, 1929.djvu/156

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de Mercier, « afin de ne pas davantage assombrir ce front déjà si chargé de soucis et de douleur ». Un soir, comme on campait dans une masure isolée, trois de ses officiers, espérant l’arracher à sa lugubre obsession, lui proposèrent une partie de cartes. Il consentit par complaisance. D’autres, groupés autour de la rustique cheminée, s’entretenaient à voix basse : parmi eux, le capitaine Martin, tout en grillant des châtaignes, observait son général. L’un des causeurs, par inadvertance, prononça à mi-voix le nom de Mercier-la-Vendée, et aussitôt Martin vit les traits de Georges se contracter convulsivement ; le tremblement de ses lèvres annonçait son effort pour réprimer une émotion trop brusque et trop vive ; bientôt de grosses larmes, qu’il ne pouvait retenir, tombèrent sur ses cartes. Enfin il jeta son jeu, et le front dans les mains, il éclata en sanglots bruyants « qui durèrent bien avant dans la nuit ».

Ces chouans, endurcis depuis si longtemps par tant de privations, de souffrances, et de tueries, tremblaient d’émotion, sur leurs couches de foin, au voisinage de cet homme dont ils connaissaient la farouche abnégation, l’impassibilité devant le danger, l’inflexible opiniâtreté, et qu’ils entendaient maintenant, dans l’ombre opaque de cette hutte misérable, pleurer comme un enfant sensible, le cœur ravagé, au souvenir de l’ami perdu.