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Page:Lenotre - Georges Cadoudal, 1929.djvu/244

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bant à une émotion factice, s’écriait : « Mon cœur est plein ! mon âme est gonflée ! mes yeux se remplissent de larmes ! Je ne vois plus ! Je ne peux en dire davantage ; il faut que je descende de cette tribune !… » le menuisier qui payait cette éloquence dormait à poings fermés entre ses deux gendarmes.

Le 9 juin, à huit heures du matin, la dernière audience était levée et les juges se retiraient dans la salle de leurs délibérations. L’un d’eux, Lecourbe, frère du général, a dévoilé les scènes qui s’y jouèrent : au premier vote, la majorité des voix déclarait Moreau non coupable ; mais le président Hémart, qui avait des ordres, n’accepta pas cette décision. Discussions, cris, invectives, menaces. Thuriot soutint le président et insista pour la condamnation. « Ceci est un procès politique ; l’acquittement de Moreau serait une injure pour Sa Majesté l’Empereur : d’ailleurs il lui fera grâce. — Et qui nous fera grâce, à nous ? » gronda Lecourbe qui devait payer de sa destitution cette indignation courageuse. Cette tempête se prolongea durant vingt heures. Enfin on adopta un compromis : une majorité de huit voix consentit à une condamnation « de pure complaisance » : deux ans de prison.

Le public, pour ne pas manquer le prononcé du jugement, n’avait pas quitté le prétoire de toute la journée du samedi et de la nuit qui