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Page:Lenotre - Georges Cadoudal, 1929.djvu/95

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l’Europe. Ses avis étaient écoutés comme ceux d’un oracle ; il dînait chez les ministres ; lui-même tenait table ouverte ; « chaque jour de nouveaux commensaux y prenaient place, choisis parmi les Français de passage, les nobles émigrés ou les membres de la haute société anglaise », curieux d’entendre le récit de son entrevue avec Bonaparte. Il arraisonnait familièrement le Comte d’Artois et son fils, le Duc de Berry, alors âgé de vingt-deux ans, et le petit paysan de Kerléano, dans ce milieu si nouveau, se formait aux façons mondaines.

Le trésor britannique lui servait une pension d’une guinée par jour (26 fr. 40) ; mais Georges était souvent « à court d’argent », car il avait dû renouveler toute sa garde-robe et sa tenue témoignait d’une recherche extrême, bien inattendue chez ce Mohican des landes bretonnes : le linge le plus fin, manchettes et jabot brodés, boutons d’or, vêtements du grand faiseur ; sauf la cravate qu’il ne pouvait supporter et qu’il laissait fort lâche, il était mis comme les plus raffinés. Ce détail indique que Georges se rendait compte de sa valeur ; et quel autre, à vingt-neuf ans, n’eût été grisé par tant de vogue, d’attentions et d’égards, dus à sa seule renommée ?

Pourtant, s’il s’est adapté à la société élégante parmi laquelle il évolue, le Breton n’a rien perdu de sa vigoureuse sincérité ni de sa désin-