Aller au contenu

Page:Leo - L Ideal au village.pdf/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de tout le monde, et elle se fût bien gardée d’en avoir d’autres. Sans y mettre assurément aucun dogmatisme, elle n’en partageait pas moins cette philosophie très-répandue qui légitime le succès.

Elle méprisait les malheureux, médisait des autres femmes avec âpreté, et honorait les forts, quoi qu’ils fissent. À propos de certains scandales survenus à Loubans, et que Rose apporta aux Grolles, Cécile essaya bien de lui donner des idées plus justes sur les rapports humains. Rose consentit des lèvres à tout ce qu’on voulut ; elle n’y tenait pas.

« Est-ce donc là, se disait Cécile, la femme à laquelle mon frère croit pouvoir s’unir ? À quels avantages supérieurs sacrifierait-il ce lien d’une éducation, d’un milieu communs, qui a sa puissance ? »

Et elle s’étonnait de l’enthousiasme de Lucien, mettant ainsi de côté, faute de les bien comprendre, les influences de la beauté, de la jeunesse, et ces attractions secrètes, souvent inexplicables, qui déterminent de plus étranges unions.

Ce que Cécile non plus ne pouvait savoir, c’est que vis-à-vis de son frère et seule avec lui Rose n’était plus la même. Pouvait-elle ne pas être émue par l’amour de ce noble et beau jeune homme, qui lui révélait toute l’ardeur et toutes les délicatesses d’un sentiment vrai ? Cette émotion lui donnait alors tout le charme qui pouvait s’ajouter à sa beauté.

Elle avait bien voulu d’abord être coquette, et seulement triompher des hommages d’un adorateur aussi distingué, mais la franchise et la vivacité de Lucien lui avaient pris le cœur : elle ne pensait plus qu’à lui, elle l’aimait d’amour, et bien qu’elle mou-