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Page:Leo - L Ideal au village.pdf/139

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pas supposer à celle qu’il aimait toutes les perfections, il n’usait nullement du pouvoir qu’il aurait eu de développer la raison et le cœur de cette jeune fille, et ils se bornaient à s’enivrer réciproquement de cette poésie dont l’amour emplit le cœur, et qui en déborde pour transfigurer toutes choses.

C’est à peine si Lucien avait dit à Rose qu’il voulait l’épouser ; cependant, elle en était sûre, tant elle se voyait respectée par lui. Ce respect, en lui-même si tendre, si différent de la conduite des garçons du village, qui prennent en jouant les filles par la taille et leur ravissent des baisers, l’avait d’abord étonnée, puis il la toucha.

Rose éprouvait enfin cet attendrissement, cette ardente bonne volonté que l’amour donne à toutes les âmes capables d’aimer, et qui, dirigés dans un noble sens, feraient franchir à l’être un immense espace. Mais les événements seuls, ou les milieux, se chargent d’activer ou d’éteindre cette flamme, qui éclate parfois en actes sublimes et le plus souvent cède à des souffles glacés.

Cécile, pendant ce temps, lasse d’interroger pour son frère un avenir incertain et d’étudier ce problème, où rien ne dépendait de sa volonté ni de son action, se laissait envahir par de longues rêveries. Elle revenait avec mélancolie sur son passé, et se retrouvait près de son père, dont elle écoutait encore, dans les entretiens qu’ils avaient ensemble, la parole grave et pleine d’idées.

Elle croyait presque l’entendre ; il était là, et cependant le sentiment de l’absence gonflait le cœur de Cécile, et des larmes coulaient lentement sur son