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Page:Leo - L Ideal au village.pdf/156

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s’écria M. Darbault ; puis il se tut, averti par un coup de coude que lui donna sa femme en désignant Rose.

Cécile avait suivi sa cousine ; elle la trouva tout en larmes derrière une touffe de chênes, à quelque distance, et, lui prenant la main, elle la gronda doucement de la vive sortie qu’elle venait de faire.

« Vous savez, ajouta-t-elle, que pour votre toilette vous pouvez compter sur-moi.

— Ce n’est pas seulement pour cela, voyez-vous, Cécile ; c’est l’injustice qui me fait mal. Mon père épuise pour mes frères toutes ses ressources, et non-seulement pour leur éducation, mais aussi pour leurs fantaisies. Ces messieurs sont bien mis ; ils ne se refusent rien, et moi qui n’ai aucune liberté, qui suis là renfermée dans ce trou de Loubans, dont je suis condamnée peut-être à ne jamais sortir, on me discute tout, on regarde à m’accorder une robe neuve quand j’en ai besoin. Et puis des reproches encore ! Non, Cécile, je vous le dis, je me trouve trop malheureuse ; je voudrais mourir.

— Votre père, je le crois, obéit seulement à l’usage en ceci ; il vous aime autant que vos frères.

— Je n’en suis pas moins sacrifiée, reprit-elle amèrement.

— Savez-vous ce que je ferais, Agathe, à votre place, et ce que je ferai moi-même, peut-être, si mon frère ne réussit pas ? Je chercherais un travail… une industrie, au moyen de laquelle je pourrais me suffire et vivre indépendante.

— Quelle idée ! ma chère ; qu’est-ce qu’une femme peut faire ?