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Page:Leo - L Ideal au village.pdf/162

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mais ces dames aussi ont leurs fantaisies. Tu vois la scène qu’Agathe m’a faite tout à l’heure. Cette réception du sous-préfet va m’enlever encore un billet de cinq cents francs. Je voulais seulement donner un dîner, ces dames ont voulu un bal. Eh bien, je te le dis en grande confidence : je n’ai en ce moment pas le sou à moi, et je me sers d’argent qui m’a été confié et qui peut m’être redemandé d’un instant à l’autre. C’est une situation impossible, affreuse ! J’en ai toutes les nuits des cauchemars ; le sang me porte à la tête, et je crains une attaque d’apoplexie. Ah ! que de soucis ! Et puis, mon étude est loin de me donner ce qu’elle rapportait autrefois. Depuis que cet intrigant de Savarin est venu ici, il me dénigre, me vole des clients, et je sais qu’il forme une cabale pour me chasser du conseil municipal aux prochaines élections. Mais je suis un honnête homme, un ami de l’ordre, et on ne me renverra pas comme cela. Je ne crois pas avoir démérité de mes concitoyens ; mais, s’ils sont ingrats, le gouvernement, j’espère, ne le sera pas.

— Je vous avoue, dit Lucien en interrompant cette longue confidence, qu’à votre place, et surchargé, comme vous l’êtes, par les exigences de la famille, je n’aspirerais qu’à résigner ces fonctions de maire, qui vous obligent, comme dans la circonstance actuelle, à un surcroît de dépenses.

— Tu as raison dans un sens, répondit M. Darbault, évidemment contrarié de cette observation ; mais, mon cher enfant, il est bon cependant de se tenir à sa place en ce monde. Voilà trente ans que j’exerce honorablement le notariat et six ans que je