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Page:Leo - L Ideal au village.pdf/17

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Après la mort, ce devint un culte. Cécile s’empara de tout ce qui portait l’empreinte d’une pensée de son père : livres, papiers, lettres, manuscrits, cherchant à le retrouver encore. Seule presque toute la journée, elle causait avec sa chère ombre, et parfois le croyait là. Souvent des larmes baignaient ses joues, mais sans transports ni sanglots ; et dans ces moments-là, si elle entendait rentrer son frère, elle essuyait son visage et allait au-devant de lui, en l’accueillant, sans effort, d’un tendre sourire.

Il était rare que Lucien ne rapportât pas quelque mécontentement ou quelque blessure. Sa sœur, par les consolations de sa tendresse, ou par ses raisonnements, lui rendait un peu de calme. Elle partageait d’ailleurs volontiers les illusions du jeune artiste, et rêvait avec lui la fortune et la renommée. Lucien, malgré tout, y comptait si bien, que, de temps à autre, escomptant son avenir, il se permettait des fantaisies peu en rapport avec leur maigre fortune. Ses exigences rendirent impossible à Cécile, comme elle le voulait, de conformer leurs dépenses à leur revenu. C’était difficile d’ailleurs, impossible même, avec leurs habitudes et les relations qu’ils gardaient encore.

Au bout de l’année, Cécile, en groupant les chiffres, s’effraya. Mais Lucien haussa les épaules. Il allait exposer ; il rêvait un triomphe, et la prudence vulgaire de sa sœur lui faisait pitié. Trois mois encore, et ils se vengeaient ensemble, à la face du monde entier, des dégoûts qu’ils avaient subis : ensemble, car, il ne séparait pas l’avenir de Cécile du