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Page:Leo - L Ideal au village.pdf/185

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Mais de toutes parts il n’avait été accueilli que par le dédain, l’incrédulité ou la calomnie, et ceux-là mêmes dont il voulait dénouer la chaîne l’avaient injurié, en déclarant que cette chaîne était bonne et sacrée, et qu’ils la voulaient garder. Puis, tout bouillonnement généreux s’était apaisé ; le mensonge, l’injustice, avaient recommencé de régner paisiblement, et il s’était senti, lui, atteint jusqu’au fond de l’âme par un doute mortel.

Depuis ce temps, en regardant ce qui se passait autour de lui, en sondant les choses, l’histoire, les lois de la vie, il n’avait trouvé que désespérance, et il s’était dit enfin que ce mal, contre lequel il avait tant protesté, de toutes les forces de son âme, depuis qu’il se sentait vivre, l’égoïsme, était peut-être la raison première et dernière, la loi. Un nouveau torrent d’amertume l’avait rempli ; il avait douté de lui-même et s’était senti devenir mauvais.

Il s’était traité de dupe pour avoir refusé de combattre et d’enlever sa part de butin dans cette mêlée où les hommes s’entre-tuent et s’entre-dévorent pour le gain et le plaisir. Des instincts comprimés s’étaient réveillés en lui, et il avait été sur le point d’accepter, de la main de l’odieuse Gothon elle-même, une belle fille que l’appât de sa fortune attirait.

Mais c’est quand il reniait ses rêves ainsi qu’ils lui étaient apparus sous forme réelle et vivante. Le beau, le bien, le grand, l’infini, maintenant, il en était sûr, existaient. Ils existaient là-bas, sous le toit où il était né, où parfois il allait chercher le souvenir des chauds baisers de sa mère.