Aller au contenu

Page:Leo - L Ideal au village.pdf/198

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mour avait été le plus fort dans le cœur de Rose ; elle beaucoup pleuré, mais en protestant qu’elle ne pourrait jamais en aimer un autre, et à la fin ils avaient échangé les plus tendres serments.

Lucien, malgré cela, ne pouvait oublier l’état où il avait vu Rose en premier lieu, et l’effet foudroyant qu’avait fait sur elle l’aveu de sa pauvreté. Cela avait été pour lui comme un voile subitement arraché, découvrant des faiblesses qu’il n’avait pas soupçonnées.

Un homme sage eût dit à Lucien qu’il ne montrait en cela pas le moindre sens commun, et qu’il fallait être par trop exigeant pour demander à cette jolie fille un désintéressement tel que la fortune lui fût indifférente. À tort ou à raison, toutefois, le jeune artiste venait d’éprouver un de ces vifs mécomptes par lesquels la vie nous instruit, dit-on, comme si aplatir était instruire ; triste enseignement, dont on ne profite qu’en se laissant amoindrir et qu’acceptent seulement les âmes trop faibles pour réagir et pour protester.

Le frère et la sœur, en rentrant aux Grolles, trouvèrent le déjeuner en retard. À quoi donc s’était occupée Mme Arsène, à l’ordinaire si ponctuelle ? On eut l’explication de cette énigme au dessert, quand, après avoir déposé une lettre devant Cécile, Mme Arsène sortit précipitamment. C’était une nouvelle épître de cette personne délicate, dans laquelle elle déclarait que ses sentiments, trop violemment froissés, ne lui permettaient plus de rester dans une condition inférieure à l’élévation de sa nature.

Elle avait cru trouver près des rejetons d’une fa-