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Page:Leo - L Ideal au village.pdf/200

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parvenaient à peine jusqu’à lui, indécis, agité, dévoré du désir de pénétrer jusqu’à Cécile et ne l’osant pas ; il avait couru tout le jour dans la campagne, suivi d’Argus, qui, la langue pendante et l’œil interrogateur, semblait demander raison de cette course haletante, et si les jours des grandes chasses étaient revenus.

Plus d’une fois, Louis s’était jeté à l’ombre des bois ou sous quelque chêne ; mais bientôt la pensée qui l’excitait comme un aiguillon l’avait rejeté dans cette course à travers champs, sans but, mais qui toutefois ne s’écarta pas d’un cercle magique, dont le point central était le toit élevé des Grolles, autour duquel il tourna tout le jour.

Une fois, dans l’avenue, il avait rencontré Cécile ; mais, trop ému pour oser l’aborder, il s’était caché. Le soir enfin, à l’heure où elle avait coutume de jouer, la nuit tombée, il s’approcha ; mais, n’osant plus pénétrer dans le jardin, il s’arrêta à la brèche du mur le plus proche de la maison ; malheureusement, à cette distance, les notes se perdaient, et cette voix intérieure, cet accent de l’âme qu’elle mettait dans son jeu, il ne le saisissait plus.

C’est ainsi, se dit-il, seulement ainsi, que je puis la voir jamais, incomplètement et à distance, trop heureux de l’avoir connue, trop malheureux de n’en pouvoir être aimé ! »

En se disant cela, ses larmes coulèrent. C’était pour la seconde fois dans cette même journée, et il y avait des années qu’il n’avait pleuré. Aussi trouvait-il du charme à cet attendrissement qui lui venait d’elle ; ses joues, amaigries et brûlantes, sem-