Aller au contenu

Page:Leo - L Ideal au village.pdf/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bientôt dans son atelier pour donner une leçon à Patrice, l’artiste potier, qui venait de temps en temps montrer ses ébauches et rapporter les modèles que lui confiait Lucien.

Mais celui-ci, tout en reconnaissant chez Patrice des dispositions artistiques remarquables, était peu content de son élève. Il lui reprochait une dureté d’entendement, ou une absence de bonne volonté, qui le faisait s’obstiner dans sa propre manière et l’empêchait de profiter des conseils qu’on lui donnait. En effet, Patrice était fier de son talent, et le bruit qu’il serait un jour un grand sculpteur commençait à se répandre dans le pays.

Cécile avait confié sa lettre à Mme Arsène, chargée de la remettre à Louis de Pontvigail, ou à son envoyé ; mais, ce devoir rempli, elle ne cessa point d’en être préoccupée : elle repassait en elle-même ce qu’elle avait dit à Louis, cherchant à deviner l’effet qu’en éprouverait cet ardent esprit. Elle n’était pas non plus sans un peu d’inquiétude et de confusion sur sa démarche : on élève les femmes sous l’œil du soupçon ; sans même savoir ce que signifie son douteux regard, elles éprouvent le malaise de sa présence.

La pensée de Cécile aussi revenait sur le sujet même de sa lettre, et, comme après un exercice gymnastique nous nous trouvons plus forts et plus légers, après cet exercice de la pensée elle sentait son esprit rafraîchi et fortifié. Elle eût été charmée de reprendre avec Louis les entretiens sérieux et profonds qu’elle avait autrefois avec son père, et qui lui manquaient depuis deux ans ; car, avec Lucien,