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Page:Leo - L Ideal au village.pdf/262

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doit influencer en rien les sentiments de M. de Pontvigail, » dit Cécile.

Cette phrase, pleine d’hypocrisie, venait assurément d’un de ces mouvements capricieux de l’esprit, dont on attribue aux femmes le monopole ; follement, Louis de Pontvigail s’en laissa blesser au cœur. Aussi répondit-il de ce ton douloureux, emporté, qu’il avait parfois :

«  Mademoiselle, plutôt que d’épouser Rose, j’aimerais mieux me tirer un coup de fusil. Voilà mon sentiment.

— En vérité ! dit Lucien piqué. Elle vous fait peur à ce point ?

— Ce n’est pour aucune raison qui lui soit personnelle, monsieur ; mais je ne me marierai jamais. Un homme comme moi ne peut être aimé. La douleur et la solitude ont été les seules compagnes de ma vie ; elles recueilleront mon dernier souffle. Qu’importe ! je ne me plains pas… »

Il s’interrompit en regardant Cécile, et le cœur ému de la jeune fille recueillit, sans l’avoir entendue, cette phrase inédite : « J’aurai aimé ! »

Alors elle regretta sa dureté, surtout quand elle vit que les dernières paroles de Louis avaient rejeté son frère dans le soupçon et dans l’inquiétude.

«  J’ignore vos motifs, monsieur, dit Lucien, et n’ai pas le droit de m’en enquérir ; mais plus les décisions sont violentes, mieux on en revient parfois. »

Cécile se leva.

« M. de Pontvigail, dit-elle, a ses chagrins personnels que nous ne devons pas sonder ; mais du