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Page:Leo - L Ideal au village.pdf/296

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prie donc de me payer tous mes gages, et puis, comme je vous l’ai dit, je me retirerai chez mon frère, où je vivrai de ma rente, sans plus m’éreinter à arrondir votre bien, que je n’ai que trop soigné de mes peines, puisque votre fils et la Parisienne le gaspilleront dès que vous ne serez plus. Certes, j’ai bien eu assez de mal à votre service pour ce qui m’en est revenu, car ç’a été seulement un affront fait à ma famille ; à présent, tout le monde se moque de nous dans le pays, et Rose ne trouvera pas de sitôt à se bien marier. »

Cette menace de Gothon de prendre ses gages et de quitter la maison était toujours d’un effet terrible sur l’esprit de M. de Pontvigail. Les gages, capitalisés depuis vingt ans, et dont elle recevait seulement une reconnaissance chaque année, se montaient à une forte somme, et quant aux services, M. de Pontvigail savait mieux que personne combien cette femme, aussi âpre au gain que lui-même, était l’âme de sa maison, l’instrument de sa pensée, le grand rouage de son œuvre.

Il s’avouait parfaitement que c’était grâce au concours de Gothon qu’il avait maintenu dans ses affaires cet ordre rigoureux, sans lequel la richesse échappe souvent à qui la poursuit. En son absence, elle était là, surveillante fidèle. Depuis vingt ans, elle avait rempli près de lui le rôle d’une épouse, et si les relations de leur jeunesse n’existaient plus, si le débauché vieillard maintenant courtisait ses jeunes servantes, un lien profond, résultant de l’habitude et de la conformité de goûts, n’existait pas moins entre eux.