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Page:Leo - L Ideal au village.pdf/315

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la tête avec une expression de souveraine fierté que son frère lui voyait pour la première fois. Mes affections et ma dignité y sont engagées avant celles de tout autre ; ceux qui m’aiment ne doivent donc se permettre, sous aucun prétexte, d’agir en cela sans ma permission. Quant à moi, je ne veux point d’une explication qui aurait pour effet de gêner ou d’influencer les décisions de M. de Pontvigail. Il est libre et doit rester libre.

— Je pourrais seulement le prier de cesser ses visites, dit Lucien.

— Non, puisqu’il n’a rien fait pour nous offenser. Tout le tort en ceci vient de l’opinion, qui s’attaque effrontément, sans aucun motif, à notre honneur et à notre liberté. Elle aurait le droit de blâmer nos actes s’ils étaient coupables ; elle n’a pas le droit de nous soupçonner. Ne vois-tu pas, ajouta Cécile (et la douleur et l’orgueil se peignaient en même temps sur son visage), ne vois-tu pas que présenter à Louis l’idée d’un mariage entre nous, s’il ne l’a pas, c’est m’offrir ; et que lui parler ainsi en raison des soupçons publics, c’est imposer ce mariage à sa délicatesse. Eh bien ! alors, c’est moi qui refuserais, et je serais malheureuse pour la vie. Ne touche pas à tout cela. Nous partirons si tu veux. Il ne faut pas oublier non plus que M. de Pontvigail est très-riche et que nous ne le sommes pas. »

Lucien dut se rendre à une volonté si formelle et à ces raisons ; mais il n’osa exiger un départ qui devait trop coûter à sa sœur, il le voyait bien. Cependant, l’impatience et le chagrin d’une pareille situation l’agitaient si vivement qu’il en perdit le