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Page:Leo - L Ideal au village.pdf/322

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— Et moi je croyais, Mariette (c’était la voix de Patrice), qu’il n’était pas besoin de te dire ça. Quand je t’ai demandé de nous marier, est-ce que je savais, moi, ce que j’étais ? Un simple potier, ça te convenait, ma fille, ça allait tout seul ; mais un homme de génie, minute ! Sais-tu seulement ce que c’est, pauvre ignorante, qu’un homme de génie ? Moi je l’ai lu dans un livre de grands peintres que m’a prêté M. le curé. Ah ! je ne puis pas te dire comme ça m’a remué ! J’avais bien toujours eu là quelque chose, quelque chose qui me disait, dame ! que je n’étais pas un autre ; mais… ah ! le génie, ma fille, une flamme, un démon, une chose qui… enfin… on est fier ! on est grand ! on méprise les autres. La gloire ! ah ! la gloire !… c’est-à-dire des trésors, des honneurs et tout le monde à vos pieds !… Hein ! est-ce que tu te serais figuré ça, toi, que Patrice, ton pauvre Patrice, était un homme de génie ? Eh bien ! c’est vrai pourtant ; me voilà, c’est moi ! Lucien, lui, n’est qu’un peintre assez médiocre ; mais il aura la gloire de m’avoir trouvé. Et tu voudrais épouser un homme de génie, toi ! ma pauvre petite Mariette ? une paysanne ! Ça serait drôle, hein ! Quand nous irions ensemble, si je te permettais de me donner le bras, on dirait : Quoi ! c’est là sa femme, la femme de ce grand homme ! Et ça ne nous ferait pas honneur, vois-tu Mariette, ni à toi ni à moi. En pareil cas, la femme doit connaître son devoir et se sacrifier. Allons ! du courage, et surtout ne va pas pleurnicher devant personne, je te le défends ; car il est tout à fait inutile qu’on sache… Voyons, sois gentille ; je suis généreux,