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Page:Leo - La guerre sociale, 1871.djvu/14

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tenant déblayés. La liberté a repris ses chaines ; la pensée à ses menottes, encore une fois, grâce à la peur, tout est permis à ceux qui règnent. La ville qui était la capitale du monde, et qui n’est plus même la capitale de la France, a perdu ses citoyens ; mais elle a retrouvé ses petits-crevés et ses courtisanes. Tout ce qu’elle avait de sang généreux a coulé dans ses ruisseaux et a rougi — ce n’est pas une figure — les eaux de la Seine ; et pendant huit jours et huit nuits, afin que le Paris de la révolution redevint le Paris des empires, on en a fait un immense abattoir humain !

J’ai vu ces jours de sang ; j’ai entendu pendant ces nuits horribles, le bruit des feux de peloton et des mitrailleuses. J’ai reçu de nombreux témoignages ; j’ai recueilli les aveux écrits des assassins eux-mêmes, au milieu de leur joie féroce ; et jamais le sentiment d’indignation qui s’est élevé en moi ne s’apaisera ! et tant que je vivrai, partout où je pourrai être entendue, je témoignerai contre cette incarnation monstrueuse de l’égoïsme, de l’hypocrisie et de la férocité, que l’imbécile vulgaire accepte sous le nom de parti de l’ordre, et qui derrière cette raison sociale abrite effrontément ses tripots, ses coupe-gorge et ses lupanars.

Et l’on parle encore de 93 ! Et le spectre rouge, tout en loques, sert encore d’épouvantail à la volatile ! Qu’était cette terreur rouge du siècle dernier, la seule (car la démocratie n’en fait plus), qu’était-ce que cette crise fatale, qu’expliquent la famine et le danger, en comparaison de ces terreurs tricolores, dont la terreur de 71 est de beaucoup la plus épouvantable, et qui vont toujours croissant de rage et d’intensité ? Quel mois de 93 vaut cette se-