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Page:Leo - Soeur Sainte-Rose.djvu/29

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— Écoutez, dit-elle dès l’abord, j’ai beaucoup de choses à dire, et il faut que je vous les dise aujourd’hui ; car je sens… peut-être qu’il serait trop tard demain. Asseyez-vous là, près de moi. Je vais vous raconter… à vous seule… toute mon histoire, et — si ce n’est pas trop demander — ce que j’espère de vous.

Sœur Sainte-Rose s’assit tout auprès de la pauvre femme, dont le souffle était si haletant, et la voix si faible, qu’elle ne semblait guère capable de parler longtemps. Cependant, en phrases entrecoupées, mais rapides, elle fit ce récit à l’oreille attentive de la jeune sœur, tout en jetant fréquemment les yeux sur l’aiguille de la pendule, qui mesurait la demi-heure accordée chaque jour à son amour maternel.

« Mon malheur est venu de ce que j’étais orpheline, plus qu’orpheline, car mes parents ne m’avaient laissé ni amitié, ni souvenir, et pas même un nom ; j’ai été élevée à l’hospice des Enfants-Trouvés. Toute petite encore, on me plaça dans une ferme pour y garder les troupeaux : là, je grandis doucement avec les enfants de mes maîtres, ne recevant guère plus de coups, ni plus de mauvaises paroles que les autres, pourvu que je fisse mon devoir ; car c’étaient malgré tout d’assez bonnes gens. On me rappelait bien de temps en temps ma naissance par un vilain nom, et les filles de mes maîtres me traitaient orgueilleusement ; mais je n’avais point à me plaindre de leurs frères, et Julien surtout, le cadet, me marquait une grande amitié.

» Comme il n’avait qu’un an de plus que moi, nous étions toujours ensemble, oc-