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Page:Leo - Soeur Sainte-Rose.djvu/32

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minuer d’autant la dépense. Mais c’était bien peu : notre petit Jean, qui avait alors quatre mois, ne me laissant guère de temps.

J’avais consenti à ce départ ; mais quand Julien ne fut plus là, le cœur me manqua et je souffris mille fois plus que je ne l’avais imaginé. Je n’avais point d’amis ; pour le réconfort, j’étais seule ; mais les mauvaises insinuations ne me manquaient point. On me faisait entendre que j’étais abandonnée. Assurément, je n’en croyais rien ; pourtant, à mesure que les jours passaient, des idées de plus en plus noires me remplissaient le cerveau ; je me disais parfois que je ne reverrais plus Julien… Hélas ! vous voyez !… »

La voix de la pauvre femme cessa de se faire entendre ; mais bientôt, jetant un regard sur la pendule, elle reprit :

« Julien m’écrivit : Il avait trouvé de l’ouvrage, non sans peine, et gagnait assez bon prix ; mais il était forcé de presque tout dépenser pour son loyer et son entretien. Cependant, il espérait bien pouvoir m’envoyer dans un mois l’argent nécessaire à notre voyage.

» Cette lettre me fut lue par un voisin ; car on ne m’avait appris ni à lire, ni à écrire. Et c’était pour cela sans doute, que la lettre de Julien était si courte et contenait peu de tendresses. Malgré ce raisonnement, j’en eus chagrin, et toutes sortes de suppositions cruelles roulèrent jour et nuit dans mon pauvre esprit. Je devins malade ; naturellement le petit, que je nourrissais, devint lui aussi tout chétif et languissant.

» Un mois après, j’eus une autre lettre. Ça n’allait pas mieux, au contraire ; l’ou-