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Page:Leo - Soeur Sainte-Rose.djvu/60

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dent, et Céline, un peu égoïstement, n’y pensa plus, car elle ne cherchait ce père qu’avec une peur invincible de le trouver.

Elle se reposait donc en toute sécurité dans son bonheur, la vie claustrale lui ayant laissé un fond d’imprévoyance enfantine, qu’aucune expérience d’ailleurs n’était venue modifier.

Un jour, elle était dans sa chambre avec les enfants ; tout en roulant entre ses doigts des tiges de lilas, qu’elle montait en grappes, elle faisait lire Joséphine contre ses genoux ; Jean, à cheval sur un tabouret, voyageait par la chambre, et de temps en temps, cherchant les yeux de sa jeune maman, se faisait encourager d’un sourire. Tout à coup, sur le seuil de la porte restée ouverte, parut un jeune homme, un ouvrier, de bonne tournure et de bonne mine, mais dont l’air un peu étrange, moitié attendri, moitié sévère, frappa Céline d’une appréhension instinctive. Il avait regardé tout d’abord les enfants, puis s’adressant à la jeune fille :

— C’est vous, dit-il, qui êtes mademoiselle Darry, en religion, comme ils disent, sœur Sainte-Rose ?

Fort saisie d’entendre cet inconnu la nommer ainsi, mais, incapable de nier la vérité, Céline répondit :

— Oui.

— C’est donc vous qui m’avez pris mes enfants ! répliqua-t-il.

Elle se leva toute éperdue, fit un pas vers les enfants, les bras étendus, et s’évanouit.

ANDRÉ LÉO.

(la suite à mardi.)