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Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/107

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attention. Enfin, nous mettons pied à terre. Je dis pied à terre, mais en réalité nous nous embourbions dans des taillis marécageux. Nous voyions la colonne du général Metzinger gravir les pentes du fort. La fusillade cessant, nous mettons baïonnette au canon, pour marcher droit sur Marovoay. Je n'oublie cependant pas ma musette dans laquelle j'ai conservé un morceau de pain maintenant rassis, et un peu de viande froide. Tenant mon fusil d'une main, ma musette de l'autre, j'arrive à la ville vers midi, littéralement exténué. Cette course ne nous empêcha pas cependant de faire une visite, intéressée je l'avoue, dans les cases, pour y trouver quelque nourriture. Je rencontrai sur mon chemin une vache noire attachée à un arbre. Plus loin, au bord d'un ruisseau, une vieille femme indigène, blessée par une balle, montrait sa plaie à notre médecin-major qui la soignait. De ma tournée dans les cases je rapportai seulement quelques journaux illustrés que le colonel Oudri m'ordonna de reporter immédiatement à l'endroit où je les avais pris.

Le village indien, dont les maisons étaient surmontées du pavillon de Zanzibar, fut respecté ainsi que ses habitants qui nous saluaient avec un air grave. Pas une de leurs femmes n'était visible. J'ai su plus tard qu'ils les avaient mises sous clef, avec leur argent. Entre temps un drapeau fut improvisé ; le commandant Bienaimé le fit hisser sur le fort, tandis que les clairons sonnaient au Drapeau et que tout le monde saluait.

Tout de même mon estomac criait famine. Je pensai à ma petite provision enfermée dans ma musette ; mais je savais que le colonel, parti le matin de très bonne heure de Mévarano, n'avait pas emporté de provisions. Je lui offris mon morceau de pain et de viande qu'il me fit couper en plusieurs portions égales, pour les distribuer aux officiers qui l'entouraient. Je m'étais aussi pourvu d'un bidon de deux litres de vin à bord de la chaloupe. J'en fis également la distribution aux