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Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/115

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chez nos soldats. Il leur donne, en face du danger, une puissance de résistance parfois bien supérieure aux forces humaines.

On arriva le soir à l'étape, mais fort tard. L'ennemi, en se retirant, avait mis le feu au village, ce qui, en somme, nous rendit service, car il faisait très noir, et, par sa volonté... la lumière fut faite. Le lendemain, nous avancions de 4 kilomètres, très lentement, avec beaucoup de circonspection, en contournant une montagne. Juste ! L'ennemi se trouvait là. Mais dès qu'il nous aperçut, il prit la poudre d'escampette sans nous donner le temps de lui demander de ses nouvelles et de lui en donner des nôtres. Pensant peut-être qu'il nous manquait du matériel de guerre, il nous laissait deux canons et trente brancards. Un légionnaire se suicida encore à cette étape, en se pendant à un arbre à l'aide d'une corde à fourrage.

Dans la nuit, on forma un détachement monté à mulets pour aller attaquer un convoi ennemi. Une section d'artillerie l'accompagnait ; mais, après avoir passé deux jours dehors, il rentra au bivouac sans avoir rencontré âme qui vive.

Nous marchâmes ensuite sur Ambato, toujours avec la même difficulté de progresser au milieu des hautes herbes et des marais. De là, nous allâmes à Ankatsaka où je reçus l'ordre de rétrograder avec une pirogue jusqu'à Androtra pour aller prendre livraison de 370 kilogrammes de viande fraîche. A mon arrivée, j'aperçus sur le bord du fleuve un capitaine en proie à un violent accès de fièvre. Il était seul, couché à terre et tête nue, risquant une de ces insolations qui ne pardonnent pas. Si urgente que fût ma mission, j'avais le devoir impérieux de venir à son aide. J'ignorais son nom et je ne l'appris que quelques jours plus tard, en allant prendre de ses nouvelles. J'avais devant moi le capitaine de Mac-Mahon, fils du maréchal de France. Si ce passage de mon récit lui tombe sous les yeux, qu'il m'excuse de lui dire qu'il m'a donné fort à faire.