Aller au contenu

Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/138

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au brigadier le motif de l’arrestation et j’ajoutai que le personnage devait sûrement être affilié à une bande. — C’est bien, dit le brigadier, vous pouvez disposer.

L’hôpital de Majunga peuplait le cimetière plus encore que celui d’Ankaboka. C’était un spectacle désolant de voir, du matin au soir, des voitures chargées chacune de plusieurs cercueils faire le funèbre trajet. Les rares passants ne les regardaient même plus, tellement ils semblaient habitués à ces lamentables convois. C’est ainsi que les pertes du corps expéditionnaire de Madagascar (statistique officielle) ont été, sur un effectif de 15 500 hommes, de 5 756 morts. A cela, il faut ajouter le nombre considérable des hommes décédés pendant la traversée, dans les hôpitaux de France et en convalescence. On arriverait ainsi à un chiffre qui dépasserait certainement la moitié de l’effectif, c’est-à-dire un homme sur deux.

Lorsque je quittai le sol de Madagascar, la campagne avait pris fin, le gouvernement de la reine avait accepté le protectorat de la France avec toutes ses conséquences, mais les difficultés étaient loin d’être arrivées à leur terme.

Le général Duchesne resta quatre mois à Tananarive avec les pleins pouvoirs civils et militaires. Puis, on crut en France que le moment était venu de remplacer le régime militaire par l’administration civile et M. Laroche fut envoyé dans la grande Ile avec le titre de Résident général. Les Hovas, rusés et retors comme les Orientaux dont ils descendent, comprirent immédiatement le parti qu’ils pouvaient tirer de la faute énorme que nous venions de commettre. Trois mois plus tard, nous avions sur les bras une insurrection formidable ; le pays était de nouveau à feu et à sang et partout les massacres d’Européens reprenaient de plus belle.

Le gouvernement reconnut alors franchement son erreur ; il rappela M. Laroche et confia au général