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Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/143

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de vos souffrances. Laissez-moi aussi remercier les autres, qui se sont couchés sur la terre de Madagascar en la faisant française par le don de leur vie, luttant contre un ennemi incapable de vous affronter aux heures hardies des grandes journées, mais défendu par les pestilences des fièvres de son sol, l'impénétrabilité de ses bois et de son sauvage domaine. Vous vous êtes dressés dans votre romaine persévérance et dans votre haute énergie ; vous avez disputé le succès jusqu'à la tombe, et enfin la victoire a pris sur son aile les forts d'entre les forts, pour les jeter au terme triomphal. Il m'appartient d'énoncer cette gloire, ici, le premier de tous, puisque vous êtes les miens, que je vous recouvre avec une indicible fierté, et que je vous présente à l'admiration de tout le régiment, dont l'âme se hisserait au niveau de la vôtre si on lui montrait les mêmes impitoyables étapes à gravir. Vive la France ! Vive l'armée ! Vive la Légion ! »

Et la foule cria à son tour : Vive la Légion !

Pendant toute la durée de notre convalescence, nous fûmes traités comme des enfants gâtés. On nous laissait le soin de dicter le menu. Des promenades hors de la ville étaient organisées avec déjeuners sur l'herbe ; les familles fortunées nous envoyaient très souvent de bons morceaux auxquels on faisait honneur. Mais la mortalité ne cessait, plus de deux mois après notre débarquement, de sévir sur nous et c'était toujours la même maladie, la fièvre bilieuse hématurique qui faisait le plus de victimes. Tel que je voyais le matin se promener dans la cour de la caserne et causer gaiement était, le soir, passé de vie à trépas. On n'y pouvait croire, mais, le lendemain, il fallait bien se rendre à l'évidence, en voyant des couronnes mortuaires arriver. Il nous était défendu d'assister aux enterrements, par ordre du médecin en chef de la garnison.

Ma convalescence terminée, j'avais adressé une demande de rengagement pour l'infanterie de marine, à Toulon, ayant déjà obtenu mon décret de naturalisation