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Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/152

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élevés par les missionnaires. J'étais admis dans plusieurs familles annamites avec une facilité qui m'étonna un peu au début, mais qui, quelque temps après, me laissa voir nettement la spéculation. On m'engagea bientôt à amener des camarades ayant du goût pour l'opium. Ce n'était, disait-on, que deux sous la pipe. Je promis tout ce qu'on voulut, mais je me gardai bien de favoriser un tel commerce.

Que dirai-je de la ville de Hanoï ? On y a dépensé énormément de millions pour lui donner un peu d'agrément. Dans tous les pays tropicaux que j'ai traversés, français ou étrangers, et aussi en France, j'ai souvent entendu vanter le système anglais aux colonies ; en réalité, toutes les villes coloniales que j'ai eu l'occasion de visiter se ressemblent ; c'est-à-dire que, partout, on choisit un emplacement propice, on le nettoie, on y fait quelques jolies constructions à la mode occidentale et on lui donne le nom de quartier européen. Le reste de la ville, c'est-à-dire la plus grande partie, est abandonné aux soins des indigènes ; et ces soins sont tels que le choléra et la peste y établissent souvent leur quartier général.

Quelques mois après, j'étais désigné pour accompagner une mission topographique du côté de Lang-Son en passant par Phu-Lang-Tuong, petite ville bénie qui reçoit presque régulièrement tous les ans la visite du choléra. De là, le chemin de fer nous transporta à Lang-Son, après un parcours de 100 kilomètres en six heures. Cette première voie ferrée du Tonkin, d'une difficulté d'exécution inimaginable, est l'œuvre exclusive des militaires sous la direction du colonel Gallieni, plus tard pacificateur et gouverneur général de Madagascar. Le souvenir du colonel Gallieni était vivace et profond dans cette haute région du Tonkin qu'il a d'abord arrachée à la piraterie et qu'il a ensuite ouverte au commerce et à la colonisation. Pacifier et organiser, c'est toute la méthode et aussi toute la passion de ce grand chef de notre armée coloniale.