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Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/190

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n'est pas toujours le cas. Et je me mets à la place des officiers qui viennent de conquérir un pays au prix de mille dangers et qui, aussitôt après la victoire, doivent obéir à un personnage qui ne les a pas vus à l'œuvre, qui en sait beaucoup moins qu'eux sur le pays, qui ne possède pas leur instruction générale et qui pourtant les traite en quantité négligeable.

Vers la Noël, nous partîmes pour une région encore peu sûre où nous allions construire un poste. Nous nous installâmes dans une pagode où nous devions loger jusqu'à l'achèvement des travaux. Le soir, nous fermions toutes les portes en mettant à chacune d'elles une sentinelle ; la précaution n'était pas inutile, car, à peine la nuit était-elle tombée, surtout quand elle était noire, qu'on nous tirait des coups de fusil à jet continu. La veille de Noël, le capitaine fit monter huit hommes sur le toit de cette pagode ; et nous y passâmes toute la nuit, jouant ainsi le rôle du bonhomme Noël près de la cheminée et tenant nos jouets (fusils et baïonnettes) à la main. Nous étions prêts pour une distribution, mais les Chinois n'en voulurent pas et, cette nuit-là, nous n'aperçûmes âme qui vive. Le lendemain, le chef du village vint se présenter à nous. Il nous prévint que plusieurs bandes de pirates nouvellement formées opéraient dans les environs. En effet, quelques jours après, notre sergent-major revenant de Fort-Bayard où il avait été envoyé pour affaires de service, recevait des coups de fusil, toujours d'ennemis invisibles. A 2 kilomètres de notre pagode, il se vit obligé de se cacher toute la nuit avec sa faible escorte pour éviter d'être dévalisé d'une importante somme d'argent qu'il rapportait.

Un commerçant français, un sieur B..., qui s'intitulait colon, mais dont l'œuvre colonisatrice consistait à débiter l'absinthe, l'amer Picon et le vermouth aux soldats de Fort-Bayard, fut également attaqué une nuit par une bande de Chinois qui chercha à enlever sa moitié, sans toutefois y réussir. M. B... estima que