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Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/237

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mon maigre bagage qu’on m’annonçait que la compagnie partait au point du jour en reconnaissance. — J’en ferai partie, dis-je au sergent. — À cinq heures du matin, nous quittâmes Mou-Ling et nous entrâmes immédiatement dans les montagnes, par une température glaciale. Le sentier qui, d’après l’itinéraire adopté, devait nous conduire à une grotte, était tellement étroit qu’on ne pouvait même pas marcher à la file indienne. À chaque instant, on entendait un camarade pousser un… nom de Dieu ! et en même temps, perdre l’équilibre et tomber à terre. Plusieurs hommes furent ainsi blessés aux mains ou aux jambes et trois eurent leurs fusils cassés. Mais quand nous arrivâmes à cette fameuse grotte, une bande de Chinois armés de sabres et de lances nous y attendaient dans une attitude qui ne nous laissait aucun doute sur leurs intentions. Il nous était tout à fait impossible de nous déployer. Le capitaine Vautravers qui marchait en tête les somma de déposer les armes et, voyant quelques Chinois s’approcher de lui, il crut que sa sommation avait produit son effet. Mais, subitement, deux grands gaillards se détachèrent de la bande et l’un d’eux lui allongea un coup de sabre qui l’atteignit en plein visage et lui fit une blessure assez profonde. En un clin d’œil, le capitaine qui était grand et robuste empoigna mon lascar de la main gauche et lui serra la gorge à l’étouffer, tandis que de l’autre main il dégageait son revolver de l’étui et tirait sur le second Chinois qui s’apprêtait à lui envoyer un coup de lance. La première cartouche rata, mais une seconde le tua net. Celui que le capitaine tenait toujours en respect avec la main gauche, voyant son camarade étendu par terre dans la position « ne bougeons plus », n’avait pas précisément envie de rire. Toute cette scène se passa en beaucoup moins de temps que je n’en mets pour la décrire. Un sergent et deux hommes qui se trouvaient en tête de la compagnie se précipitèrent au secours de notre courageux