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Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/279

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vagues promesses, en un mot à se moquer royalement et même... impérialement de nous.

Le même jour, on nous communiqua une dépêche adressée par la Ville de Paris au corps expéditionnaire et lui souhaitant un prompt et heureux retour en France.

En attendant, les négociations pour la paix n'aboutissaient toujours pas. Néanmoins, les dispositions étaient déjà prises pour occuper le Petchili après le départ des troupes alliées. La France et l'Allemagne devaient laisser chacune une brigade d'occupation. J'avais conclu de tout cela que la campagne proprement dite était terminée et que la diplomatie ferait le reste en se laissant rouler le moins possible.

Le 28 mai, je reçus de Pékin l'ordre de me rendre à Tien-Tsin et de là à Takou, afin d'être rapatrié en fin de séjour colonial. J'étais le seul du bataillon dans ce cas. Cette fois, je ne protestai pas, car j'étais à la limite de mes forces.

Il y avait en effet quatre ans que j'errais en Extrême-Orient : au Tonkin, où j'avais travaillé sur les routes ; à Quang-Tchéou-Wan où, pendant vingt-deux mois, j'étais resté presque continuellement en marche ; au Petchili, où j'avais assisté à toutes les opérations de mon régiment. Physiquement, j'avais besoin de repos, et au moral, je n'était pas fâché d'avoir quelque loisir pour réfléchir à tout ce que j'avais vu. D'ailleurs, les hostilités étaient considérées comme terminées et on ne signalait plus que quelques bandes, qui s'étaient formées indépendamment des Boxers. Elles parcouraient certaines régions et pillaient leurs compatriotes pour ne pas mourir de faim.

Donc, le 29 mai, je quittai mon capitaine, sous les ordres duquel j'avais déjà servi dans la haute région du Tonkin où nous avions ensemble connu la misère. Il me fit appeler chez lui et m'adressa des paroles qui me remuèrent le cœur. J'avais envie de pleurer et de rire à la fois. « Je tiens, dit-il, à vous montrer les