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Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/30

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Veux-tu que je te conduise à l'hôtel du Pieu en bois (salle de police) ? Non, n'est-ce pas ? Alors, fais le plongeon sous tes couvertures, et que je n'aperçoive plus la pointe de ta tête chauve. — Pendant cette semonce du caporal, Crista prit l'ivrogne à bras le corps, l'emporta sur son lit et voulut lui infliger une légère correction. — Non, lui dis-je, ne le touche pas. Il n'a pas eu conscience de son action. — Puis on éteignit la lampe, et tout retomba dans le calme, excepté moi, que cette fâcheuse distribution de taloches empêcha de dormir.

Le lendemain, ma vie de légionnaire devait commencer. Crista m'initia dans l'art de faire un lit, et ce n'est pas peu de chose à la Légion où les hommes luttent entre eux pour la propreté et la coquetterie. Après m'avoir fait armer, équiper et matriculer, il me donna une leçon de paquetage. Le paquetage ! C'est ce qui donne de la physionomie à la chambrée et, à ce propos, je vais vous présenter la nôtre. Du matin au soir, elle est d'une propreté irréprochable. Tous les paquetages sont carrés. Un effet ne dépasse pas l'autre, même d'un millimètre. L'équipement est suspendu au crochet ad hoc, d'une façon uniforme. Les cuirs brillent comme des miroirs. Rien ne traîne. Les fenêtres, le parquet sont frottés à l'huile de bras ; les lits, carrés comme les paquetages, sont tous sur la même ligne ; les murs, le plafond sont très blancs ; le tout, arrangé avec beaucoup de goût, présentait un aspect très agréable pour un nouveau venu comme moi.

L'après-midi, nous commençons des exercices d'assouplissement sous la surveillance d'un officier qui parle plusieurs langues. — L'assouplissement, mes amis, nous dit le lieutenant comme exorde, est pour les Anglais et les Hollandais une nécessité, une occupation importante de la vie. Appliquez-vous bien à cet exercice qui vous sera souvent utile.

A trois heures et demie, on nous fait rompre pour nous permettre de nous habiller et d'aller en ville où la