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Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/41

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Ma première visite avec Vendel fut pour l'escadron de spahis. Je cherchai à causer avec un vieux cavalier indigène qui comptait déjà treize ans de service et à connaître ainsi le sentiment de ces hommes envers leurs chefs et envers la France. Ce fut assez difficile au début. Il ne parlait guère. Mais après l'avoir invité à prendre un caoudji chez un Arabe, sa langue se délia. J'en profitai et lui adressai quelques questions. Il me dit qu'il était content de son sort, que les spahis aiment beaucoup leurs chefs ; que, d'après lui, il n'existe pas de meilleurs soldats au monde ; il ajouta qu'il connaissait à fond les habitants du Sud-Oranais, tous sages et doux comme des moutons, et aimant les Français par-dessus tout (à ce mot, Vendel esquissa un sourire significatif) ; enfin que le Sud-Oranais, son pays de naissance, était le plus beau qu'on puisse rêver (là-dessus, je souris à mon tour à Vendel). Je quittai mon spahi sans être bien convaincu, me rappelant l'Arabe de Saïda dont la parole m'avait semblé plus franche, plus sincère.

Vendel me conduisit ensuite chez un Espagnol qui habitait Géryville depuis deux ans, et que lui, Vendel, considérait comme très intelligent. Cet Espagnol, me dit mon camarade, était venu à Saïda après nombre de déboires dans son pays et en France. Il cultivait à Géryville un morceau de terre qui, après lui avoir donné beaucoup de mal au début, arrivait maintenant à le nourrir. Il avait une fille d'une vingtaine d'années, Espagnole pur sang, d'une véritable beauté, qui parlait très bien le français.

Après les salutations, je fis un gracieux compliment à la demoiselle, sans réussir à rompre la glace. La señora fit une petite moue semblant dire : je vous fais grâce ; quant au père, il me toisa d'un air étrange. Mais Vendel, qui semblait au mieux avec lui, lui dit quelques mots à l'oreille. Alors, sur un signe, la jeune fille m'avança une chaise, et nous offrit un verre de marc. Le père devint communicatif. — Si j'étais de