Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/148

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

révoltés de la Fortune des Rougon ? Comment, de la larve d’écrivain qu’était l’auteur du Vœu d’une Morte, un éblouissant lépidoptère a-t-il pu immédiatement s’élancer ? Ces transformations brusques surprennent toujours. Elles sont fréquentes en littérature, et Zola avait le précédent de Victor Hugo, en qui le conteur de Bug-Jargal ne laissait guère prévoir le merveilleux descripteur de Notre-Dame-de-Paris, et de cet Horace de Saint-Aubin, dont l’Héritière de Birague ne saurait passer pour être de la famille de la Cousine Bette, sa sœur cadette pourtant. Le plus clairvoyant critique n’aurait pu discerner, dans le Vœu d’une Morte, l’embryon de Germinal. Villemessant, malgré son coup d’œil de maquignon de lettres, n’eut pas davantage de perspicacité, et ne sut pas deviner le grand crack futur de l’hippodrome littéraire, dans ce yearling débile. Après la publication de ce roman, dans l’Événement, organe disparu bientôt pour faire place au Figaro, devenu quotidien politique, le peu indulgent patron s’empressa de remercier l’auteur. Ce Zola était décidément un raté et « une vieille volaille » . Donc, au rebut. Voilà encore une fois Zola au dépourvu, et, comme on dit, sur le pavé. Plus de journal, où le travail ponctuel et régulier a pour conséquence la rémunération sûre et à jour fixe, et plus d’emploi bureaucratique assurant l’existence. Il semblait avoir peu de chances de retrouver cette double sécurité, si difficilement acquise et si vite perdue. Notre jeune athlète ne se montra nullement découragé. Il était, il l’avait déjà prouvé, fortement armé pour la lutte quotidienne. L’espoir et la confiance en soi faisaient toujours partie de son bagage d’aventurier de la gloire. Économe et prévoyant, Zola, sur ses gains de l’Événement