Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/201

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Rabelais ou un Pic de la Mirandole, un savant possédant toutes les connaissances de son temps. La science, de plus en plus étendue, variée, infinie, exigera, de plus en plus, des spécialistes, des gens cantonnés dans une étude, des insectes de génie et de patience fixés sur une branche unique, et passant leur existence à la fouiller, à la dénuder. Il n’en est pas de même en matière artistique, en littérature surtout, où le progrès n’existe à peu près pas, la matière et le travail restant presque toujours semblables. Il y a un abîme entre le rapide de Marseille et le char qu’Automédon dirigeait ; la distance n’est pas grande qui sépare une églogue de Virgile de la rencontre de Miette et de Silvère, au puits de la Fortune des Rougon. Pourquoi tel artiste, tel privilégié susceptible de devenir un ouvrier d’art, au lieu de demeurer un manœuvre, s’adonne-t-il à une spécialité et prend-il pour instrument la plume et non le pinceau, et inversement ? Le hasard, l’imitation, les encouragements des camarades, dans l’art comme dans les carrières nullement artistiques, où s’observe un choix analogue, sans raison apparente ordinairement, décident de la localisation des aptitudes. Zola aurait pu faire un auteur dramatique, égal au romancier qu’il est devenu, mais il lui fallait, pour cela, concentrer son énergie sur des sujets scéniques, préparer, étudier des actions et des caractères susceptibles de se développer dans le cadre conventionnel et limité de quelques heures de spectacle ; il lui eût fallu aussi bander, vers un autre but, cette arme de la volonté qu’il possédait plus que tout autre, et viser, au lieu du roman, le théâtre. Il n’est pas douteux qu’il aurait mis plus d’une fois dans le mille, l’adroit archer. Il fut détourné de ce but-là, d’abord par les difficultés,