Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/276

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la Servante, la Courtisane et la Femme du Peuple, dont l’histoire contient celle de tous leurs contemporains. Zola crée des types. Il synthétise. Il peint des tempéraments et non des caractères, des êtres généraux et non des individus. C’est l’Homme, la créature ondoyante et diverse de Montaigne, qui passe et s’agite dans son œuvre, mené par la double fatalité de l’Hérédité et du Milieu. En particulier, dans cette Fortune des Rougon, volume initial, document primordial, on assiste à l’avènement, à la conquête de la richesse, et on suit l’accès au pouvoir de quelques membres de cette famille, à la faveur du crime triomphant du Deux-décembre. Aussi, Émile Zola a-t-il désigné ce premier roman comme étant le livre des Origines. Le décor, observé et connu de près par l’auteur, est le paysage qu’il eut, dans son enfance, sous les yeux, jamais oublié, toujours évoqué. La Provence est le berceau de ses Rougon-Macquart, et la ville où la plupart des personnages se meuvent, c’est Aix, qu’il a baptisée du nom fictif de Plassans, qu’on retrouve fréquemment dans son œuvre. De là s’élanceront sur la société les Rougon-Macquart, famille de proie. Si le nom de Plassans est imaginaire, la ville apparaît bien réelle, avec ses trois quartiers, où se parquent systématiquement les nobles, les bourgeois, le menu peuple. Plassans, resté, malgré la Révolution, ville de hobereaux et de magistrats fossiles, avec ses grands hôtels toujours clos, dans les cours trop vastes desquels l’herbe pousse, ses églises, ses couvents, ses promenades solennelles, son commerce presque nul, sa stagnation intellectuelle, ses préjugés, ses castes, ses allures féodales et ses affections d’ancien régime, Plassans, c’est bien l’aristocratique et cléricale