Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/278

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faire triompher, en province comme à Paris. C’est la famille Rougon. Ici, l’auteur abandonne la peinture de cette société de Plassans, avec ses types subalternes : le marquis de Carnavant, le vieux beau ; Granoux, le prudhomme féroce ; Roudier, l’important ; Vuillet, le journaliste clérical, suant l’eau bénite et distillant la haine ; il entre en plein dans le cœur de son sujet, et nous décrit cette famille Rougon. Cette galerie de portraits en pied, peints en pleine pâte, avec une largeur de touche, accompagnée de finis et de pointillés surprenants, comprend une série de figures, d’une variété et d’une vérité qui frappent. Elle s’ouvre par ce portrait de l’aïeule, de l’ancêtre, Adélaïde Fouque, de qui descendra cette race complexe des Rougon et des Macquart. Provençale, fille et femme de paysans, orpheline à dix-huit ans, Adélaïde était une grande fille maigre à l’œil trouble, aux airs étranges, dont le père mourut fou, et qui passait, dans le pays, pour avoir le cerveau fêlé comme son père. Cette folie originelle se retrouvera plus ou moins accentuée, plus ou moins visible, dans ses manifestations, dans toute la descendance de cette Adélaïde. On en suivra les traces, d’Aristide Saccard, le spéculateur éhonté qui tripote dans la bâtisse et tire des millions du vieux Paris exproprié, jusqu’au séraphique abbé Mouret, tombant pâmé dans les bras d’Albine, sous l’arbre géant, à la sève capiteuse et au branchage extatique, du mystérieux Paradou ; d’Eugène Rougon, le politique, l’homme fort, le ministre, se jetant, comme une bête en rut, sur la froide Clorinde, dans la pénombre tiède de l’écurie, jusqu’à Gervaise, la femme de Coupeau l’alcoolisé, trébuchant, en compagnie de Mes-Bottes et de