Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/306

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procédé. Molière y eut recours dans deux ou trois pièces. Les comiques secondaires, les auteurs poissards, les membres du Caveau en ont abusé. Les paysans d’opéra-comique, depuis Sedaine jusqu’à Scribe, s’exprimaient presque obligatoirement dans ce patois. Désaugiers, Émile Debraux, Frédéric Bérat, ont également employé ce vocabulaire destiné à donner l’illusion de la réalité. Aujourd’hui encore, dans les revues, dans les farces militaires et dans les drames, où il y a des bergers, des campagnards, des filles de ferme et des servantes d’auberge, les auteurs les font patoiser, pour donner, pensent-ils, plus de vraisemblance au milieu. Des paroliers populaires, ou plutôt populaciers, comme Charles Colmance, l’auteur du P’tit Bleu, dOhé ! les Petits Agneaux, et les chansonniers montmartrois, Aristide Bruant, Jules Jouy, de Bercy, Yann’Nibor, Botrel, ont employé tour à tour l’argot des souteneurs et le parler naïf des matelots et des pêcheurs de Bretagne. Enfin, dans le roman, il existe un très curieux récit, antérieur de plusieurs années au livre de Zola, le Chevrier de Ferdinand Fabre, où l’auteur prête à son Eran de Soulaget, à son Hospitalière et aux autres personnages du Rouergue qu’il met en scène, un idiome bâtard, mi-littéraire et mi-rustique, qui donne de la saveur agreste à l’ouvrage. Zola a voulu communiquer l’impression frappante de la vie, en faisant parler l’argot à ses faubouriens. On peut contester qu’il ait réussi. C’est une réalité factice et un langage convenu qu’il nous donne. Il y a forcément une convention du langage, au théâtre comme dans le livre ; et, dans toute œuvre de littérature, les personnages ne dialoguent pas du tout comme ils le feraient dans la vie réelle. Ils n’expriment que les sentiments, les passions, les faits qu’il est intéressant de connaître, et l’auteur