Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/319

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moins débordant, a, dans l’Assommoir, donné sa note : elle est macabre. Le père Bazouge, le croque-mort ivrogne et philosophe, qui circule dans l’œuvre, pour un contraste voulu, est un de ces personnages exceptionnels comme les bourreaux, les bouffons, les nains difformes, que Victor Hugo se plaisait à introduire au milieu de ses autres personnages, en manière d’antithèse vivante, et que Zola critiquait et raillait. Ce Bazouge a paru plus en sa place dans le mélo de Busnach que dans le livre. Les porteurs des pompes funèbres, qui sont de simples déménageurs, coltinant des cercueils, comme ils transporteraient des coffres, ont moins de poésie et plus de simplicité dans la vie réelle. C’est ici un comparse romantique. Un burgrave du faubourg. L’Assommoir n’a pas, ne pouvait avoir, chez nous, une influence moralisatrice quelconque. Nous ne sommes pas des Anglais pour y admirer, sous le titre de « Drink » (Boisson), un appel à la tempérance. Il n’a détourné aucun ouvrier du cabaret. Les ouvriers ne l’ont d’ailleurs pas lu. C’est un réquisitoire contre l’alcoolisme, il est vrai, mais il s’étend à la classe des travailleurs prise dans sa totalité. C’est un anathème en masse et un mépris collectif. On pourrait reprocher à l’auteur, tout en généralisant l’abrutissement de la classe ouvrière par le comptoir, et les terribles breuvages qu’on y débite, d’avoir pourtant pris pour point de départ un fait d’exception. Ce n’est pas tant l’alcool que la fatalité qui cause la déchéance de Coupeau et de Gervaise. L’Ananké antique domine toute la tragédie. C’est un accident qui entraîne la dégringolade morale et matérielle du couple. Coupeau était un bon ouvrier, rangé, laborieux, sobre surtout. Quand il lui fallait trinquer avec les camarades, on est homme, donc sociable, et l’on ne saurait