Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/368

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morceau de matière, qui vivifiée par le souffle de l’écrivain, se dresse, s’anime, vit et palpite, comme un être. Zola est un admirable Pygmalion dans ces animations de Galatées, faites de la terre des mines, du liquide brûlant des alambics, des monceaux de légumes ou des charretées de fleurs des halles. La Lison, la machine de Jacques a une âme, une existence, des aventures, et elle connaît les fins tragiques. Jacques, d’une pâleur de mort, vit tout, comprit tout : le fardier en travers, la machine lancée, l’épouvantable choc, tout cela avec une netteté si aiguë qu’il distingua jusqu’au grain des deux pierres, tandis qu’il avait déjà dans les os la secousse de l’écrasement. C’était l’inévitable… Au milieu de cet affreux sifflement de détresse qui déchirait l’air, la Lison n’obéissait pas, allait quand même, à peine ralentie. Elle n’était plus la docile d’autrefois, depuis qu’elle avait perdu dans la neige sa bonne vaporisation, son démarrage si aisé, devenue quinteuse et revêche maintenant, en femme vieillie dont un coup de froid a détruit la poitrine… Cette machine, ainsi personnifiée, cette Lison que Jacques avait aimée, soignée, couvée, jalousée, comme une maîtresse, sans avoir jamais eu l’idée de l’éventrer celle-là, nous assistons à son agonie, la seule mort touchante de ce livre plein de meurtres, aux pages éclaboussées du sang des plaies, et où l’on ne voit que cervelles écrabouillées, ventres ouverts et carotides tranchées : La Lison, éventrée, culbutait à gauche, par-dessus le fardier, tandis que les pierres fendues volaient en éclats comme sous un coup de mine, et que, des cinq chevaux, quatre roulés, traînés, étaient tués net. La Lison est vraiment le personnage sympathique du livre. Pauvre Lison ! Son meurtre était de longue main