Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/381

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Toute la bande des aboyeurs anti-zolistes, parmi lesquels se retrouvent d’ailleurs actuellement les thuriféraires les plus agenouillés devant l’auteur de J’accuse, fit chorus avec le francophile prussien. Un journal, qui depuis sollicita l’honneur de reproduire en feuilleton la Débâcle, inséra ceci : C’est un acte de mauvais français, que M. Zola a accompli en écrivant la Débâcle, un allemand vient de le lui rappeler et de lui infliger une leçon de patriotisme, en rendant aux vaillants soldats, qui sont morts pour la France, l’hommage que M. Zola aurait dû leur décerner. Ce capitaine Tanera, dont on faisait le vengeur de l’honneur français, le gardien de notre drapeau, avait prétendu que l’auteur de la Débâcle avait fabriqué les faits, et sali une armée qui avait été malheureuse, mais qui, ayant combattu avec courage, n’avait pas perdu son honneur dans la défaite. Le capitaine, qui falsifiait, beaucoup plus que Zola, les faits, les textes du moins, car nulle part, dans la Débâcle, on ne pouvait lire que l’armée, prise dans son ensemble, avait été déshonorée parce qu’elle avait été vaincue, ajoutait, avec une affectation de hautaine commisération à notre égard : Je ne veux pas chercher à savoir si, en écrivant un tel livre, M. Zola a nui à la France, ou s’il l’a servie ; dans tous les cas, il lui manque une qualité : le respect du malheur. En ce sens… nous sommes, nous autres sauvages, de toutes autres gens. J’espère que vous ne m’en voudrez pas d’avoir aussi crûment dit mon opinion. C’est celle d’un homme qui connaît mieux que M. Zola l’armée de Mac-Mahon, car il l’a combattue, tandis que M. Zola ne l’a vue que de sa table, à travers des lunettes brouillées par le parti pris.