Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/397

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peut présenter. S’il s’agissait de prouver que la folie est héréditaire, ce qui est souvent vérifié, fallait-il se donner la peine de tant écrire ? Tous les personnages de la série de Zola ne sont pas des aliénés. Presque tous ont des bizarreries, des violences, des nervosités, quelques-uns sont criminels, d’autres subissent des excitations sensuelles irrésistibles, et leurs existences sont bouleversées par des passions coupées d’événements tragiques ou douloureux—mais ont-ils besoin d’être, pour cela, des Rougon ou des Macquart ? Sans descendre d’Adélaïde Fouque, beaucoup de familles et d’individus isolés ressemblent à tous ces produits de la folle des Tulettes. On n’écrit pas non plus de romans avec des personnages insignifiants, à qui rien n’est arrivé et ne peut arriver. Donc il fallait nécessairement qu’à chacun de ces Rougon et de ces Macquart un intérêt s’attachât, qu’ils fussent des sujets d’étude, que leur existence présentât des particularités méritant d’être examinées et décrites. Ils devaient tous êtres des « héros » . Zola a donc exagéré l’importance de l’hérédité, dans son œuvre. Remarquons, au point de vue du relief, de l’intensité de la vie des principaux personnages de la série, que les plus intéressants, ceux qui s’imposent à l’esprit du lecteur, et demeureront vivaces dans la mémoire n’ont aucun caractère héréditaire : Coupeau, le formidable alcoolique, Souvarine, le Slave farouche, Jésus-Christ, le rustre venteux, Albine, l’Ève sauvage du Paradou, Miette, qui tentait le drapeau des insurgés avec son enthousiaste ferveur de porte-bannière de la confrérie de Marie, tous ces types inoubliés et inoubliables sont en dehors de la fameuse généalogie, et bien d’autres que je néglige. Ceux qui en font partie, comme Aristide Saccard, Lantier, Nana, Gervaise, n’avaient pas besoin de cette